Des origines gallo-romaines, comme son nom l'indique

La vallée de la Seine, traditionnelle voie de passage, damier de bons terroirs, a connu une occupation très ancienne dont les vestiges sont attestés dans toute la région. Dans cet environnement, le site de Romilly a très probablement bénéficié de cette occupation précoce même s’il n’a pas été assez fouillé pour en confirmer l’importance locale ; il est à peu près assuré que l’éminence des Hauts Buissons qui domine la ville à l’ouest a été occupée à l’époque gallo-romaine par une villa dont le propriétaire aurait été un nommé Romilius , en quelque sorte le héros éponyme de la ville.

Du village...

Le rocher du parc de la Béchère, dernier vestige du château.
Le rocher du parc de la Béchère, dernier vestige du château.

Jusqu’au 18ème siècle , avec environ 1200 habitants vers 1700, Romilly reste un gros bourg rural , à l’écart des noyaux urbains que sont Troyes, 40Km plus à l’Est, Nogent-sur-Seine, 20 Km plus à l’Ouest, Sézanne 25 Km plus au Nord ; lieux traditionnels de commandement, ils le resteront après la Révolution de 1789, voilà pourquoi Nogent-sur-Seine, aujourd’hui trois fois moins peuplée que Romilly, est malgré tout sous-préfecture. Jusqu’à la Révolution, les terres et le pouvoir de cette communauté rurale étaient, pour l’essentiel, partagés entre une seigneurie laïque et une abbaye. La première avait son château à quelque deux cents mètres au Nord de l’actuelle mairie, rebâti au 18ème siècle, il a malheureusement disparu mais en subsistent quelques belles dépendances noyées dans le bâti, une « rue du Château » et une « rue de la Grille » qui en rappellent l’emplacement. L’abbaye, fondée au 12ème siècle, avait son coeur dans les terres de « Sellières » où subsiste aujourd’hui la belle maison abbatiale du 18ème siècle et des dépendances. Par un détour inattendu, la gloire du grand Voltaire allait rejaillir sur ce lieu puisque, au terme d’une aventure rocambolesque, la dépouille de Voltaire y fut inhumée quelques années, avant d’être transférée au Panthéon en 1791.

De ce passé rural, pas de traces spectaculaires : les châteaux, démantelés, l’église du village, qui menaçait ruine, démolie en 1905, le cimetière qui l’entourait, transféré à la périphérie : reste l’abbaye de Sellières et, pour qui veut bien flâner dans le vieux Romilly, tel ancien moulin hydraulique, tels anciens lavoirs, et nombre de vieilles bâtisses pour garder la nostalgie d’un passé révolu, certes discret, mais toujours sous-jacent.

... à la ville industrielle.

Les toits d’une usine, typique de la vie industrielle.
Les toits d’une usine, typique de la vie industrielle.

Autant le passé du bourg rural se fait discret, autant saute aux yeux l’héritage industriel de la ville: chaînage des toits d’usines intimement mêlés au bâti, modestes pavillons ouvriers, jardins ouvriers, c’est comme un petit morceau de la Lorraine industrielle échu en Champagne. Et ce qui est vrai des paysages l’est aussi des hommes avec cette forte proportion d’ouvriers dans la population, cette mentalité toujours imprégnée du sens du travail, des vieilles luttes ouvrières et d’un esprit de solidarité qui continue de vivifier un tissu associatif particulièrement riche.

C’est la bonneterie qui, comme dans toute la périphérie troyenne, instille son industrie dans ce milieu rural. L’aventure commence vers 1750. Dès avant la Révolution française, la bonneterie occupe une place essentielle dans l’économie locale au côté de la sylviculture et des productions agricoles, et compte déjà 700 métiers de bonneterie en 1806 !

L’irruption du chemin de fer achève d’urbaniser et de modeler le bourg. L’arrivée de la première ligne est très précoce puisque venue de Montereau elle atteint la ville dès 1848 ; la ville devient rapidement un carrefour ferroviaire, en relation avec Paris et Troyes et au coeur d’un réseau d’intérêt régional, aujourd’hui désaffecté, mais qui continue de structurer le paysage.

Dès lors la population progresse rapidement : de 3700 habitants en 1845 elle passe à 10000 en 1907 et 14000 en 1930. La bonneterie jusqu’ici dans l’étroite dépendance de Troyes acquiert son autonomie avec l’installation de sociétés et de grandes unités productrices spécifiquement romillonnes : Romilly devient un des tout premiers centres français de production de tissu élastique et de chaussettes et dans la foulée vont y briller les noms fameux de Chantelle, du Coq Sportif, d’Olympia, de Barbara entre autres ...

La guerre de 1870 accentue cette évolution en contraignant la société des chemins de fer de l’Est à déplacer ses ateliers de réparation de wagons de la Lorraine annexée par l’Allemagne, à Romilly. L’atelier va y occuper un espace considérable que le voyageur qui traverse la ville identifie immédiatement en longeant son long mur d’enceinte griffé de vigne vierge. L’atelier comptera jusqu’à près de 2000 employés. Même si aujourd’hui le personnel a beaucoup décru, l’atelier reste l’une des activités phares de la ville, récemment confortée par l’entretien des rames TGV.

Le coeur de cette ville industrieuse bat désormais au rythme de toutes les luttes sociales du pays que ponctuent localement les crises du textile. C’est dans ce contexte des luttes sociales qu’est élu à Romilly à la fin du XIXème siècle le premier maire ouvrier de France Henri Millet. 

Sur le chemin des invasions

Le char « Romilly » symbole d’un passé ancré.
Le char « Romilly » symbole d’un passé ancré.

Située dans la plaine de Champagne et sur l’axe de la Seine, la ville de Romilly a vu passer bien des invasions, remontées des Normands sur la Seine, chevauchées de la Guerre de cent ans, passage de bandes armées des guerres de religions, invasion en 1814 des Autrichiens à la poursuite de Napoléon Ier , invasion prussienne en 1870. En 1914 face à l’invasion allemande, Romilly est aux avant-postes : Joffre, le vainqueur de la Marne, y fixe pour quelque temps son quartier général. C’est cette même proximité du front associée à la platitude favorable des lieux qui a fixé la présence d’une base aérienne, que cherchent à rappeler le monument érigé aucœur du centre commercial qui l’a remplacée et le nom « Aéromia » donné à la zone d’activités surla quelle s’étendait autrefois le terrain d’aviation.

Sans doute la permanence de ces troubles participe-t-elle la sensibilité particulière de la population à la sauvegarde de la liberté : en témoignent le rôle important joué par nombre de Romillons aux heures tragiques de la Résistance, dont beaucoup y laisseront leur vie. En atteste le nom de nombreuses rues et places et le char « Romilly » juché sur son tertre près du Monument aux Morts, premier char de la colonne Leclerc à être entré dans Paris en libérateur.

Derrière les lieux la vraie richesse de Romilly...ses habitants

L’Histoire de Romilly n’y a pas laissé de grands monuments de pierres propre à retenir l’attention du voyageur pressé, mais elle est imprimée dans l’humble charme du bâti et des lieux-dits et plus encore dans le coeur des Romillons riches et fiers de leur histoire ouvrière et qui savent retenir ceux que ne rebute pas la modestie des lieux.